Guerre d’arguments
Niqab. Ce voile couvrant le corps et ne laissant apparaître que les yeux n’en finit pas de susciter de vifs débats. Le ministre de la Santé Egyptienne projette de l’interdire aux infirmières des hôpitaux publics pour des raisons d’hygiène et de sécurité. Guerre d’arguments Le ministère de la Santé s’en va-t-en guerre contre le niqab. Ce voile noir qui enveloppe tout le corps et ne laisse apparaître que les yeux est porté par des femmes de plus en plus nombreuses. En visite d’inspection la semaine dernière dans un hôpital du gouvernorat de Kafr Al-Cheikh, le ministre de la Santé, Hatem Al-Gabali, a remarqué que le niqab était répandu parmi les infirmières. Al-Gabali a alors annoncé qu’un décret ministériel serait émis en février prochain en vertu duquel le niqab sera interdit dans les hôpitaux et un uniforme sera imposé aux infirmières. Les responsables au ministère de la Santé justifient cette décision : « Le niqab et le gant porté par certaines infirmières peuvent être une source de transmission des bactéries. Par ailleurs, pour des raisons de sécurité, il est préférable que ce genre de tenue ne soit pas porté par les infirmières », explique le responsable des relations publiques au ministère de la Santé. Le décret ministériel interdira aux infirmières le port du niqab dans certains services hospitaliers comme les soins intensifs et les blocs opératoires. Toute personne qui ne respectera pas les consignes sera transférée vers un autre service et ne pourra pas exercer le métier d’infirmière. « Le port du niqab et des gants ne permet pas de préserver l’hygiène dans les hôpitaux. Les infirmières ne stérilisent pas les gants après chaque contact avec les malades », précise le responsable. Le port du niqab s’est répandu dans certaines couches de la société. Les responsables du secteur de la santé affirment que dans certains hôpitaux de Kafr Al-Cheikh, Béheira et Charqiya, les infirmières entièrement voilées représentent jusqu’à 35 % du nombre total des infirmières. Un décret ministériel datant de 1970 et amendé en 1996 autorise les infirmières à porter le voile traditionnel qui laisse apparaître le visage et les mains. Or, ce décret ne prévoit aucune sanction à l’encontre des contrevenantes. Il n’a jamais été mis en application. Et le nombre de monaqqabates s’est accru dans les hôpitaux. Selon un responsable au ministère de la Santé, deux raisons sont à l’origine de cette situation. « Premièrement, il y a une pénurie au niveau des infirmières dans certains hôpitaux. La deuxième raison réside dans la crainte qu’une action en justice donne raison à ces monaqqabates », assure le responsable. En effet, ce n’est pas la première fois que le niqab est au centre d’une polémique. En 2005, trois étudiantes portant le niqab avaient intenté un procès contre l’Université américaine du Caire qui leur refusait l’accès à son enceinte. La Haute cour administrative avait alors annulé la décision de l’université, estimant que le port du niqab, bien que n’étant pas une obligation religieuse pour les musulmanes, fait partie des libertés et des droits individuels de chacune. La cour avait estimé en outre que l’argument de la sécurité avancé par l’université pour justifier sa décision ne tenait pas. Cependant, la cour a confirmé le droit de l’université de vérifier, par des contrôles à l’entrée de l’établissement, l’identité des personnes portant le niqab. « Une barrière psychologique » Il existe 240 000 infirmières en Egypte. La plupart d’entre elles travaillent dans les hôpitaux publics. La décision du ministère de la Santé relance donc le débat sur le niqab. Pour certains, cette décision est justifiée du point de vue professionnel, pour d’autres c’est une discrimination. « Si l’on interdit le niqab dans les hôpitaux, alors on devrait interdire aussi le maquillage. Certaines infirmières portent des tonnes de poudre sur le visage. Est-ce hygiénique ? Les habits que nous portons ne sont pas antihygiéniques, comme ils disent », explique Asmaa, une infirmière travaillant dans un hôpital public. Elle pense qu’elle ne doit pas être sanctionnée à cause de son apparence. « Les arguments qu’on avance sont de simples prétextes », assure Asmaa qui a l’intention d’attaquer en justice le ministère de la Santé. Au contraire, Hossam Fahmi, jeune médecin qui travaille dans un hôpital public au Caire, préfère que les infirmières ne portent pas le niqab pendant l’exercice de leur fonction. « Il y a bien entendu des considérations d’ordre hygiénique, mais personnellement, je pense que le patient a besoin de communication et de réconfort. Le port du voile constitue une barrière psychologique entre le patient et la personne qui le soigne », avance-t-il. Mais le débat n’est pas uniquement professionnel, il est aussi politique. Hamdi Hassan, porte-parole des Frères musulmans à l’Assemblée du peuple, dénonce une « campagne gouvernementale contre les islamistes (...). Les problèmes du secteur de la santé se réduisent-ils au port du niqab par les infirmières ? ». Et d’ajouter : « Et les patients qui meurent chaque jour dans les hôpitaux publics à cause de la négligence, qu’est-ce que l’Etat a fait pour eux ? C’est une décision politique et non professionnelle. Il n’existe pas de loi qui interdit de porter le niqab en Egypte. L’Etat touche à la liberté personnelle ». Après la percée réalisée par les Frères musulmans lors des élections législatives de 2005, l’Etat a commencé à prendre des mesures pour juguler l’influence islamiste. C’est dans ce contexte que le ministre des Waqfs, Hamdi Zaqzouq, avait interdit aux prédicatrices dans les mosquées de porter le niqab. Cette décision avait valu au ministre les critiques acerbes des islamistes. Le port du niqab est l’un des aspects les plus marquants de l’influence exercée par les islamistes. L’Etat va probablement poursuivre sa campagne. Une campagne qui s’annonce d’ores et déjà difficile. Le ministère a annoncé qu’un comité serait formé cette semaine pour étudier si le niqab peut vraiment transmettre des bactéries ou non et proposer une formule d’uniforme qui sera porté par les infirmières.
Se référer aux textes et considérer le contexte
A entendre certains musulmans aujourd'hui, tout doit être pratiqué exactement comme à l'époque du Prophète et de ses Compagnons, depuis la forme à donner aux sandales jusqu'à la brosse à dents. A l'inverse, d'autres musulmans, eux, soutiennent que le porc peut être rendu permis (celui d'aujourd'hui étant "plus sain que celui que les Arabes connaissaient"), que le foulard porté sur la chevelure n'est plus une obligation pour la musulmane, etc.
Qui écouter ? Comment faire pour rester fidèle à l'authenticité tout en vivant la contemporanéité ?
Voici quelques repères permettant, de l'intérieur même des sources musulmanes, une prise en compte des contextes différents.
1) Il n'y a pas de texte traitant explicitement de chaque acte de la vie. Or, en l'absence de texte, c'est le principe de permission originelle (fi-l-'âdât) qui prévaut :
Contrairement au domaine de ce qui est purement cultuel – où on ne peut rien faire qui n'a pas été fait par le Prophète –, dans le domaine des affaires mondaines c'est la règle de la permission qui est première. Il n'y a ici pas besoin de l'existence d'un texte du Coran et de la Sunna pour permettre mais au contraire pour interdire ou pour rendre obligatoire. Voilà donc la première dimension de la possible prise en compte du contexte, puisqu'il s'agit d'adopter des nouveautés.
Il ne faudrait cependant pas penser que des principes et règles de l'islam n'ont aucune place ici, puisque – nous l'avons vu – les enseignements de l'islam sont globaux (shâmil). En fait, il s'agira d'intégrer fidèlement aux éléments contemporains les règles et les principes présents dans le Coran ou la Sunna… de mêler aux nouvelles formes créées au fil du temps par les expériences des hommes, les règles et les principes apportés par le Prophète à son époque. Et ainsi, des choses qui n'avaient pas cours à l'époque du Prophète pourront être adoptées par les musulmans, mais à condition que ces derniers tiennent compte à leur sujet des limites (matérialisées par ce qui est "interdit" et "déconseillé") et des orientations (mises en valeur par ce qui est "obligatoire" et "recommandé") apportées par la Sunna. Ces limites et ces orientations sont soit disponibles dans des textes explicites, soit dans un principe juridique extrait de ces textes.
Le Prophète avait ainsi questionné Mu'âdh qu'il envoyait comme juge au Yémen : "Selon quoi jugeras-tu lorsque le besoin s'en présentera ? – Selon le Livre de Dieu, avait répondu Mu'âdh. – Et si tu ne trouves pas (de solution explicite) dans le Livre de Dieu ? – Je jugerai alors selon les Hadîths du Messager de Dieu, avait répondu Mu'âdh. - Et si tu ne trouves pas (de solution explicite) dans les Hadîths du Messager de Dieu ? – Je ne manquerai alors pas de faire un effort de réflexion (ijtihâd) pour formuler mon opinion, avait répondu Mu'âdh." Sur quoi le Prophète avait manifesté son approbation en ces termes : "Louange à Dieu qui a guidé le messager du Messager de Dieu pour ce qu'agrée le Messager de Dieu" (La chaîne de transmission de ce Hadîth, rapporté par at-Tirmidhî et Abû Dâoûd, est faible. Son contenu est cependant approuvé par les dires et la pratique des Compagnons du Prophète : cf. A'lâmul Muwaqqi'în, Ibn ul-Qayyim, tome 1 pp. 49-50.)
Le Prophète lui-même avait fait allusion à l'utilisation de ce genre de cause juridique rendant possible le raisonnement par analogie. Ainsi, Omar ibn ul-Khattâb vint un jour le trouver pour le questionner au sujet de la validité de son jeûne alors qu'il avait embrassé sa femme. Il lui dit : "Messager de Dieu, j'ai fait aujourd'hui quelque chose de grave : j'ai embrassé alors que je jeûnais". Le Prophète lui répondit : "Que se passerait-il d'après toi si tu t'étais gargarisé la bouche avec de l'eau pendant ton jeûne ? – Cela n'aurait pas affecté (la validité de mon jeûne), répondit Omar. – Eh bien, quoi d'autre ?" (rapporté par Abû Dâoûd, n° 2385). Avaler de l'eau annule le jeûne. Prendre de l'eau dans sa bouche, c'est se rapprocher du fait d'avaler de l'eau ; mais cela n'annule pas le jeûne tant que l'on n'avale pas cette eau. De même, avoir un rapport intime annule certes le jeûne ; cependant, embrasser sa femme c'est se rapprocher du fait d'avoir un rapport intime ; mais cela n'annule pas le jeûne tant que l'on n'a pas concrètement ce rapport. La mise en analogie est donc claire : se rapprocher de la cause qui annule le jeûne n'est pas suffisant pour annuler le jeûne. Voilà le Prophète ayant recours à la mise en exergue du principe commun pour montrer la communauté de la règle.
Bref, les textes du Coran ou des Hadîths ("man'sûs" ou "mantûq bih") communiquent des règles : des obligations, des recommandations, des permissions, des caractères "déconseillé", et des interdictions. Or, le Coran et les Hadîths ne communiquent pas, ainsi, seulement la lettre de ces règles particulières, mais, au-delà, les causes qui en commandent l'application. Toute règle ayant été formulée à propos d'un acte de l'époque du Prophète ne l'est donc que parce que cet acte renferme une "cause juridique" (en droit musulman : "illa"), qui est à la base de cette règle. Dès lors, la règle qui s'applique à cet acte stipulé dans un texte du Coran et des Hadîths ("man'sûs" ou "mantûq bih") s'applique également à l'acte dont ces deux sources ne disent rien ("maskût anh") mais où est présente la même cause juridique ("illa") que celle qui commande l'acte stipulé. L'absence de toute cause juridique (illa), en revanche, laissera cet acte "sous silence" demeurer dans la permission originelle s'il relève du domaine de ce qui n'est pas purement cultuel, et ce même si le Prophète ne l'avait pas fait à son époque.
2) Quand il y a des règles détaillées, certaines sont sujettes à plusieurs interprétations :
Une règle se rapportant à un sujet donné trouve son origine dans un texte du Coran ou des Hadîths (parfois directement, d'autres fois indirectement, comme nous venons de le voir à propos des causes juridiques, extraites des textes). Or, certains textes font depuis très longtemps l'objet de différences d'interprétation. Sur ce site par exemple, vous pourrez voir et comprendre, par rapport à plusieurs points, de telles interprétations différentes. Dès lors, les spécialistes du droit musulman peuvent être amenés à donner la fatwa sur un des différents avis existant, en fonction du contexte dans lequel se trouvent les musulmans.
Il ne s'agit assurément pas de donner la fatwa sur n'importe lequel de ces avis, car ce serait la porte ouverte au laxisme (tatabbu' ar-rukhas). Comment font les savants ? Les savants qui ne se réfèrent pas à une école juridique donnée (mais sont ghayr mutamadh'hib) font ainsi : ils donnent priorité aux textes du Coran et de la Sunna et évitent donc les avis où le savant s'est trompé parce qu'un Hadîth ne lui était pas parvenu ; puis, là où une pluralité des interprétations est réellement possible par rapport aux textes présents, ils font des recherches poussées et approfondies, passent en revue les argumentations des différents avis avant de donner la fatwa sur un de ceux-ci. Quant aux savants qui se réfèrent à une école juridique donnée (et qui sont donc mutamadh'hib), ils ont eux aussi des muftis donnant – occasionnellement et après recherches poussées – la fatwa sur l'avis de savants d'autres écoles : Cheikh Khâlid Saïfullâh en est un parfait exemple au sein de l'école hanafite.
3) Parfois les textes communiquent non pas des règles détaillées mais des principes généraux :
Enfin, autre facteur permet une prise en compte du contexte : certains enseignements de l'islam relèvent non de règles détaillées mais seulement de principes généraux. Dès lors, l'application du principe général prendra forcément en compte le contexte.
Un exemple très simple à ce sujet est la nécessité de la consultation (shûrâ) : il s'agit d'un principe dont les formes ne sont pas détaillées dans les textes du Coran et des Hadîths. Il peut dès lors s'agir d'une consultation informelle ou d'une consultation dont les participants sont désignés par ceux qu'ils représentent, pourvu qu'aucune règle de l'islam ne soit transgressée. Le principe du shûrâ peut ainsi s'adapter au contexte des sociétés tribales comme à celui des sociétés développées.
3') Certains textes donnent en apparence une règle détaillée, mais celle-ci est relative à un contexte particulier et c'est donc le principe général qu'il faut chercher :
Au sujet de ces règles présentes dans les textes du règles, peut-on les relativiser ou doit-on les garder de façon absolue ? Il est sûr que certaines paroles et certains gestes du Prophète sont à comprendre dans un contexte particulier. Ainsi, quand il disait : "Wa lâkin sharriqû aw gharribû", "Alâ inna-l-quwwata ar-ram'y", il est certain que, au-delà de la littéralité de la règle, c'est le principe qui est à prendre en compte. De même, à propos de la "jalsat ul-istirâha" que faisait le Prophète pendant la prière, certains savants (comme Abû Hanîfa et Ahmad – selon un des deux avis relatés de lui) pensent que cela est dû à une fatigue et ce que cela n'est pas systématiquement à observer lors de la prière.
La question qui se pose dès lors est : où peut-il y avoir changement au nom de l'adaptation au contexte, et où ne peut-on faire de changement au nom de l'authenticité de l'islam ?
Pour éviter au maximum le risque de relativiser ce qui ne doit pas l'être, les savants musulmans ont recours à une double méthode… D'une part ils se réfèrent aux textes de leurs sources, le Coran et les Hadîths. Mais d'autre part, ils se réfèrent également aux interprétations des savants qui les ont précédés, et surtout à ceux des premiers siècles de l'Islam. Cette double référence – les textes des fondements et la jurisprudence – leur permet d'éviter deux écueils :
1) Quand les savants considèrent les interprétations des savants les ayant précédés, ils le font en considérant non pas que ces interprétations forment une source en soi, mais qu'elles permettent de s'orienter dans sa lecture des textes du Coran et des Hadîths. Prendre en compte ces interprétations permet en effet aux savants d'aujourd'hui d'éviter de relativiser ceux des textes du Coran et des Hadîths qui ne doivent pas l'être, puisqu'ils se disent que tout texte à propos duquel les savants ont été unanimes durant ces siècles est forcément clair et ne peut pas être relativisé (catégorie A1 et A2).
2) Mais, parallèlement, afin d'éviter le laxisme que constituerait le fait de rechercher systématiquement, pour chaque point de droit, l'avis le plus laxiste qui soit (cela contredisant-il un texte authentique et clair qui semble n'être pas parvenu au savant auteur de cet avis) (catégorie B1), les savants donnent priorité aux textes du Coran et des Hadîths par rapport aux avis des savants. C'est à l'intérieur du cadre de ces textes qu'ils considèrent les différents avis existant sur une question donnée.
Par contre, à propos des points qui sont sujets à plusieurs interprétations chez les savants des premiers siècles eux-mêmes, et dont la règle est présente dans un texte qui, de lui-même, fait l'objet d'interprétations différentes (catégorie B2), les savants peuvent être amenés à donner un avis juridique (fatwa) sur l'avis étant le plus adapté au contexte.
4) Les cas de nécessité (dharûra, ik'râh) :
Une nécessité peut exister dans un lieu et un temps donnés qui entraînent une fatwa, un avis circonstancié, qui va établir, à propos de quelque chose de normalement interdit, une dérogation liée à cet espace à et à ce temps dans le cadre de la mesure de la nécessité. Un exemple : le recours aux assurances commerciales n'est pas autorisé en islam. Mais les musulmans vivant dans des pays où le recours à de telles assurances est obligatoire pour l'habitation et la conduite des voitures y ont recours : il s'agit d'une contrainte. Ils n'ont cependant recours qu'au degré minimal de telles assurances.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).
Le foulard musulman exprime-t-il la soumission ? l'islamité ?
Parfois se font entendre les protestations de femmes et d'hommes occidentaux se disant "résolument contre le port du foulard islamique". Et parfois se font également entendre leur argumentation : ils considèrent le voile féminin comme étant "le symbole de la ségrégation des femmes" ou comme celui "de l'asservissement de la femme à l'homme", ou encore comme "un signe porté ostensiblement pour témoigner qu'on est musulmane". Dans de nombreuses bouches et sous de nombreuses plumes l'argument revient comme un leitmotiv.
Ces propos ont pourtant quelque chose d'étonnant pour les musulmanes et les musulmans, puisque ni les références islamiques ne présentent le foulard féminin comme chargé de ce sens, ni les musulmanes ne perçoivent ce qu'elles portent de cette façon. Explications sur un malentendu.
Le foulard de la musulmane, expression de son infériorité ?
Il semblerait qu'il faille remonter aux références occidentales pour comprendre les causes du malentendu. Comme l'a écrit Leopold Weiss, à cause de sa longue association avec le christianisme, l'Europe a tendance à appréhender de nombreux éléments du religieux à travers le prisme de leur signification dans le christianisme. Or, la Bible, qui elle aussi demandait aux femmes de se voiler la tête, le leur demandait parce que "le chef de la femme c'est l'homme" : "Le chef de tout homme c'est le Christ. Le chef de toute femme c'est l'homme. Le chef du Christ c'est Dieu. Tout homme qui prie ou prophétise la tête couverte fait affront à son chef [le Christ]. Mais toute femme qui prie ou prophétise tête nue fait affront à son chef [l'homme]. Car c'est exactement comme si elle était rasée" (Première Epître aux Corinthiens, 11/3-5). "L'homme, lui, ne doit pas se voiler la tête : il est l'image et la gloire de Dieu. Mais la femme est la gloire de l'homme." (idem, 11/7). Les Occidentaux d'aujourd'hui ne connaissent pas tous ces passages bibliques. Mais les mémoires de l'inconscient collectif semblent avoir gardé trace de cette signification particulière donnée au voile que portaient des femmes en Europe, signification à laquelle des siècles ont habitué le Vieux Continent. Voilà très probablement la raison pour laquelle de nombreux Occidentaux pensent aujourd'hui, de façon tout à fait naturelle, que le voile que portent les musulmanes symbolise lui aussi la soumission de la femme à l'homme. Il n'en est rien, pourtant.
Le foulard de la musulmane, un signe de la confession de celle qui le porte ?
Pour d'autres personnes le foulard serait un signe religieux : la jeune fille musulmane le portant dans les écoles françaises entendrait montrer ainsi qu'elle est musulmane : c'est donc un "signe ostensible", par lequel on veut montrer de quelle religion on est.
Que veut dire "ostensible" ?
"Ostensible" : qui est fait avec l'intention d'être vu (Le Petit Larousse).
"Ostensible" adj. est dérivé au moyen du suffixe -inle (1346) du latin ostensum, variante de ostentum, supin de ostendere, proprement "tendre devant", d'où "montrer", de ob "devant" (objet) et tendere (tendre). On relève en latin médiéval (1300) ostensibilis "qui paraît". Ostensible signifie "qui peut être montré" et surtout, de nos jours, "qui est fait pour être montré, remarqué" (1800) (Le Robert dictionnaire historique de la langue française).
Or le foulard n'a nullement comme objectif d'exprimer que celle qui le vêt est musulmane.
Aurait-il alors ce rôle de façon secondaire ? Non plus : le musulman et la musulmane de France et d'Europe ne sont pas tenus d'exprimer par leur tenue vestimentaire leur différence identitaire islamique.
Le foulard de la musulmane, un moyen de vivre sa conception de la pudeur
En fait, le port du foulard par la musulmane n'est que le moyen par lequel celle-ci vit sa conception de la pudeur. Ses concitoyennes non musulmanes estiment que la pudeur s'exprime entre autres par le fait de couvrir en public telle et telle parties du corps par des vêtements ; elle, la musulmane française, estime que la pudeur s'exprime notamment par le fait de couvrir en public son corps sauf son visage, ses mains et (selon un avis) ses pieds.
Les premières semaines de la rentrée scolaire 2003-2004 avaient vu, à la Réunion, un rappel de la part de certains responsables scolaires sur la nécessité de ne pas porter de tenues trop légères à l'école. Des lycéens avaient alors manifesté contre ce rappel et pour la liberté de se vêtir comme ils l'entendaient. Paraissait alors dans la presse locale, rubrique courrier des lecteurs, le message d'un professeur qui expliquait en substance aux jeunes filles que le port de vêtements exprimant la pudeur rehaussait davantage leur beauté que celui de tenues très osées. Dans son courrier le professeur ouvrait une parenthèse et en profitait pour s'exprimer contre le port à l'école de signes religieux tels que le foulard musulman. Le malentendu est patent : le foulard n'a d'autre objectif que celui de servir cette même pudeur ! Pas de tenues dénudées, c'est sûr. Mais ici, une lycéenne estime que couvrir telle et telle partie de son corps est suffisant comme expression de sa pudeur. C'est sa conviction. Là, une autre lycéenne – une musulmane – estime pour sa part que la pudeur va, en ce qui la concerne personnellement, jusqu'au fait de couvrir sa chevelure. C'est sa conviction à elle. Il ne s'agit nullement pour elle d'exprimer ainsi son appartenance religieuse – et nous sommes donc loin du présupposé "signe religieux ostensible" –, puisque en islam le foulard n'a pas cet objectif. Il s'agit seulement de couvrir ce qu'elle estime devoir personnellement couvrir en public. Et cela ne fait que rejoindre ce que ce professeur recommandait aux lycéennes : des habits exprimant la pudeur plutôt que des tenues dénudées. Certes, la conception de la pudeur diffère entre cette lycéenne-ci et cette lycéenne-là, mais la société et l'école françaises ne se veulent-elles pas les lieux où les différences peuvent coexister ? Les convictions diffèrent ; elles doivent pouvoir s'exprimer librement dans le respect mutuel.
La seule question qui pourrait se poser à propos du foulard est : Pourquoi l'islam demande-t-il à la femme et non à l'homme de se couvrir les jambes, le cou et les cheveux ?
Nous sommes en présence d'un malentendu sur l'objet. Et les musulmanes et les musulmans ont le le devoir d'en démontrer sereinement les mécanismes à leurs interlocuteurs.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).
Pourquoi est-il demandé à la femme de se vêtir davantage que l'homme ?
Question :
Bonjour. J'ai lu vos articles à propos de la place de la femme en islam, et j'avoue que je comprends mieux certaines choses à présent. Une question demeure toutefois dans mon esprit à propos de la tenue de la musulmane : pourquoi l'islam demande-t-il à la femme de dissimuler des regards sa chevelure, ses épaules, ses bras, ses mollets, etc., alors que l'homme, lui, peut ne pas dissimuler des regards ces mêmes membres ?
Réponse :
Bonjour. Si vous avez lu les articles présents sur le site à ce sujet, il y a plusieurs points liés à votre question que vous avez sûrement compris. Je voudrais néanmoins les rappeler d'abord ici, pour le bénéfice des autres visiteurs, avant de traiter votre question en elle-même :
Premier point :
En islam, les époux ont, entre eux deux, le droit de regarder n'importe quelle partie de leur corps, sans restriction (sauf pendant la période menstruelle d'après certains savants). De même, l'islam ne demande pas à la femme de dissimuler sa chevelure, ses épaules, ses bras, ses mollets, etc. devant ses proches parents (mahârim).
Second point :
L'islam ne demande pas qu'à la femme de se vêtir. Pour l'homme aussi il a rendu obligatoire de cacher, en public, certaines parties de son corps par des vêtements. L'ensemble de ces parties corporelles à dissimuler des regards est appelé en islam 'awra.
Troisième point :
L'objectif de l'islam, en faisant ainsi, n'est pas d'exprimer l'idée que le corps humain, qu'il s'agisse de celui de la femme ou de l'homme, serait marqué négativement et qu'il faudrait donc le dissimuler. Il ne s'agit pas d'avoir honte de son corps. Il s'agit d'avoir de la pudeur, et l'objectif de l'islam est que chacun "voile" des regards des passants les attraits de son corps pour réserver ceux-ci à l'être avec qui il partage sa vie : son époux(se). L'attirance pour les attraits corporels est naturelle chez l'être humain, et l'islam ne demande pas à ce dernier de chercher à éradiquer cette attirance. Au contraire, c'est bien parce qu'il reconnaît qu'entre homme et femme attirance naturelle il y a et il y aura toujours qu'il désire orienter celle-ci. Si l'attirance vers l'autre sexe et l'instinct qui en est à la base sont naturels, et si cet instinct doit s'exprimer et non être refoulé, il y a une grande différence entre le fait de l'orienter et celui de le flatter sans cesse. Ainsi, les corps n'étant pas marqués négativement, il est normal qu'entre époux et épouse on s'admire et on s'attire. Mais que des corps affichent partout en public leurs attraits aux regards, et que des regards ne se privent pas de tirer profit de ces attraits, voilà des faits qui ne peuvent manquer avoir des répercussions sur l'individu, la famille et la société. Combien de couples se sont ainsi séparés parce que l'un ou l'autre a été attiré par plus beau, plus belle que son époux(se). Combien, alors, de familles déchirées, d'enfants malheureux...
Une objection :
Il n'est pas rare que les musulmans et musulmanes entendent certains de leurs interlocuteurs leur tenir le raisonnement suivant : "Les occidentaux, ayant reçu une éducation libérée sur le plan corporel, ne regardent plus les attraits corporels de la femme, et peuvent vivre hommes et femmes les uns à côté des autres en tenue décontractée sans rien ressentir, sans même porter attention aux chevelures et aux jambes qui se trouvent à deux mètres d'eux. Tandis que les musulmans, eux, à force de voiler leurs femmes, sont attirés et troublés par la vue d'une chevelure, d'une paire de jambes. Regardez à quelle sur-érotisation du corps vous a conduit votre manque de libération vestimentaire. La "libération vestimentaire des corps" est la solution pour faire disparaître l'attirance vers les corps, car cette attirance empêche la marche harmonieuse d'une société."
Des remarques par rapport à cette objection :
Si, comme le dit cette objection, "la libération vestimentaire des corps est la solution pour faire disparaître l'attirance vers les corps", alors pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? Pourquoi ne pas adopter le modèle de ces sociétés des îles Andaman, de certaines îles de Polynésie, et de certaines régions d'Amérique du Sud, d'Afrique et d'Australie, où les hommes et les femmes vivent presque totalement nus ?
En fait cette objection se fonde sur le constat du fait qu'en Occident hommes et femmes cohabitent apparemment de manière très digne, sans se dévisager ni porter des regards insistants, et en déduit qu'il n'y a plus d'attirance. Or, si le constat est vrai, la déduction est, elle, très discutable. En effet, l'attirance n'a pas disparu, car l'attrait pour l'autre est naturellement présent chez l'homme et chez la femme.
Une seconde objection :
A cela certains de nos interlocuteurs nous répondent : "Oui mais il s'agit d'une attirance vers le beau, dénuée de toute arrière pensée, pure de tout désir corporel."
Des remarques par rapport à cette autre objection :
A la vérité, ceci n'est pas toujours vrai. C'est ce qu'on disait au moment de la libération des mœurs : "Les uns et les autres ne se regarderont plus jamais qu'avec des regards neutres." Force est cependant de constater que ces promesses ne se sont pas réalisées. Les regards chargés d'instincts n'ont pas disparu. En d'autres mots : l'érotisation des corps n'a pas disparu en Occident. Combien de gens admirent les formes corporelles (jambes, etc.) d'une personne ayant le dos tourné, puis, une fois surpris par cette personne, doivent détourner leur regard, gênés... S'agissait-il vraiment d'un regard neutre ? Et combien de femmes elles-mêmes se plaignent d'être parfois mal à l'aise par des regards insistants dirigés vers telle ou telle partie de leur anatomie. Et combien de couples ont éclaté après que l'un ait découvert que l'autre entretenait une liaison qui elle-même avait débuté à la suite d'une rencontre d'un soir. L'attirance physique et charnelle pour la beauté corporelle n'a pas disparu.
Certes, il est prévisible que celui qui voit plus rarement ces attraits soit davantage troublé par leur vue que celui qui les voit partout, tous les jours. Mais cela ne signifie pas que celui qui les voit partout ne connaisse plus du tout ce genre d'attirance. A la vérité, le fait de vivre constamment avec cet affichage des corps entraîne un trouble moindre à la simple vue d'attraits corporels, mais pas une disparition complète de l'attirance à cette vue. Je ne crois pas que l'on puisse faire disparaître totalement l'attirance naturelle - avec tout ce qu'elle implique - qui existe en l'être humain vers le corps humain.
De même, le fait de vivre constamment ainsi a également entraîné la nécessité d'une éducation pour qu'on ne regarde pas de façon ouverte les attraits corporels qui l'attirent. Mais cela ne veut pas dire qu'on ne les regarde plus du tout. Les regards furtifs et en biais n'ont pas disparu...
C'est ici qu'apparaît le réalisme de l'islam. En islam, il est demandé à l'être humain non pas seulement de vivre l'aspect extérieur et juridique des enseignements des textes, mais également de se purifier le cœur, comme le demandent ces textes. Cependant, purifier son cœur veut dire se libérer de l'excès, de l'emprise dictatoriale de l'instinct sur l'âme. Cela ne veut pas dire atteindre l'irréalisable : éteindre le désir et le sentiment, devenir un ange ou presque. Aussi, purifier son cœur de l'attirance vers l'autre sexe veut dire l'éduquer pour ne pas penser qu'à çà. Mais il est impossible de faire disparaître totalement cette attirance, elle est inscrite en l'être humain ! Dès lors, – exception faite des époux entre eux –, l'islam demande aux êtres humains de maîtriser leur regard...
En islam, il ne s'agit pas de voiler tout ce qui est beau chez l'être humain (pour preuve, l'islam ne fait pas l'obligation à la femme de voiler son visage). L'islam aussi fait la différence entre regard neutre et regard chargé d'instinct, et prend en compte l'absence ou non de désir – donc la neutralité ou non du regard – pour permettre ou interdire ce regard. Cependant, cela concerne certaines parties du corps seulement (celles autres que la 'awra). Si l'islam n'a pas demandé de façon obligatoire de couvrir ces parties du corps là, c'est d'une part parce que les nécessités de la vie font qu'on a besoin de les laisser découvertes. Et d'autre part, soulignent certains savants musulmans comme Abû Chuqqa, parce que cela permet aussi que, dans une saine dimension, un certain lien d'attirance subsiste entre les hommes et les femmes, l'interdiction de tout lien à l'échelle d'un pays tout entier risquant d'entraîner une déviance de l'attirance (Tahrîr ul-mar'a, tome 4 pp. 155-156 et pp. 301-302). Par rapport à ces parties du corps là, le regard maîtrisé est donc "le regard neutre" et non pas forcément le regard baissé. Tout cela est vrai.
Cependant, en ce qui concerne d'autres parties corporelles, l'islam demande de systématiquement ne pas les regarder chez autrui, et ce, qu'on ressente alors de l'attirance (shahwa) ou pas. Il s'agit d'une mesure de précaution, qui concerne ce qui est souvent objet d'attirance d'ordre corporel. L'ensemble de ces parties corporelles qu'une personne A ne doit ainsi pas regarder chez une personne B est nommé "'awra de B par rapport à A". Pour tout ce qui est "'awra" par rapport à soi, le regard maîtrisé est le regard baissé – la seule exception étant les cas de nécessité, comme une situation d'accident, ou une intervention chirurgicale, etc. (Tout ceci ne concerne bien entendu pas les époux entre eux, où aucune partie du corps n'a à être voilée des regards de l'autre. De même, en ce qui concerne les proches parents, la "'awra" est réduite.)
Parallèlement à cette demande de maîtriser son regard, et conformément au principe "Pour éviter les effets, évitez les causes", l'islam demande que l'on recouvre par des vêtements ces parties du corps susceptibles d'entraîner l'attirance. Ainsi, s'il est demandé à A de ne pas regarder ce qui, par rapport à lui, est "'awra" chez B, il est parallèlement demandé à B de revêtir sa "'awra" en présence de A. Il faut cependant préciser que le fait pour B de revêtir en présence de A ce que A ne doit pas regarder concerne ceux et celles qui ont accepté l'éthique musulmane parce qu'ils ont accepté la foi musulmane : aussi, même en pays musulmans, si l'islam dit que les musulmans ne doivent pas porter de regard déplacé sur les attraits des non musulmanes, il ne dit pas que ces dernières auraient l'obligation religieuse de couvrir leur chevelure en public (elles devront cependant respecter le cadre publique en vigueur dans ces pays et porter donc des vêtements plus amples que ceux qui sont parfois portés dans les pays occidentaux).
Quatrième point :
Une question demeure ici, c'est celle que vous avez posée : Pourquoi la 'awra de la femme est-elle plus grande que celle de l'homme ? Autrement dit, pourquoi l'islam demande-t-il à la femme de dissimuler des regards de ceux qui ne sont ni son mari ni ses proches parents, une plus grande étendue corporelle que celle qu'il demande à l'homme de dissimuler devant toute personne n'étant pas son épouse ?
En islam, cette différence n'est pas due au fait que la femme serait assujettie à l'homme et qu'elle devrait l'exprimer par cette différence vestimentaire. (C'est là en fait ce que Paul de Tarse, lui, disait à propos du fait que la femme chrétienne devait recouvrir sa chevelure.
En islam, cette différence est due d'une part à ce que le savant musulman Abû Chuqqa a écrit en substance : "Dieu a créé le corps féminin en lui donnant certaines particularités par rapport à celui de l'homme. Le corps masculin est doté d'une "simplicité" qui fait que l'attirance charnelle qu'il éveille est d'ordre global, tandis que, chez le corps féminin, chaque partie possède son attirance. On peut d'ailleurs voir qu'aujourd'hui dans certains pays, alors que l'homme s'embellit en s'habillant, la femme s'embellit en se déshabillant le plus possible, en exposant donc les attraits naturels de son corps." (d'après Tahrîr ul-mar'a, tome 4 p. 22).
D'autre part, alors que la femme est plus sensible à l'affection, l'homme, lui, est plus attiré par l'"image", par ce qu'il voit.
C'est bien à cause de ces deux facteurs que, dans la grande majorité des cas, ce sont les femmes qui se plaignent d'être mises mal à l'aise à cause des regards déplacés d'hommes vers tel ou tel de leurs attraits. L'inverse peut être vrai, mais est beaucoup plus rare. On peut même dire qu'au contraire, les hommes, eux, sont dans la majorité des cas fiers et heureux de se voir être l'objet de regards féminins !
Dieu a cité tous ces enseignements – les regards furtifs, la purification du cœur, la maîtrise du regard, la nécessité de se vêtir – dans le Coran. Dans un verset, Il dit ainsi : "(Dieu) connaît les regards traîtres ainsi que ce que recèlent les cœurs" (40/19). Commentant ce verset, Ibn Abbâs dit : "Il s'agit de l'homme qui regarde les attraits d'une femme lorsqu'elle passe près de lui ou lorsqu'il entre dans un lieu où elle se trouve. Puis, lorsqu'on remarque ce qu'il fait, il baisse son regard. Dieu sait que cet homme voudrait pouvoir regarder des parties plus intimes de cette femme..." (Fat'h ul-bârî, tome 10 p. 13). Dans deux autres versets qui se font suite, Dieu dit, s'adressant d'abord aux hommes : "[O Muhammad,] dis aux croyants de baisser leur regard et de rester chastes. C'est là cause de plus de pureté pour eux. Dieu sait ce qu'ils font. Et dis aux croyantes de baisser leur regard, de rester chastes, de ne montrer de leurs attraits que ce qu'il paraît et de rabattre leur foulard sur leur poitrine…" (Coran 24/29-30).
Et à toute femme – qu'elle soit d'Occident ou d'Orient – qui se plaint d'être gênée par des regards posés sur telle ou telle partie de son anatomie, le message de l'islam est en quelque sorte : "Vos complaintes sont tout à fait compréhensibles. Et rien ne justifie ces regards gênants venant des hommes, car il est demandé de façon obligatoire à ces derniers de maîtriser leur regard et de purifier leur cœur. Mais vous savez comment sont ces hommes ! Alors, pour éviter les effets, évitez-en les causes : habillez-vous avec des vêtements moins courts et moins moulants."
1) Car c'est là un des objectifs de la tenue que l'islam propose à la femme : protéger ses attraits personnels des regards masculins chargés d'instinct.
2) D'une façon plus générale, la femme rappelle et exprime ainsi la dimension sacrée de son être, qui n'est pas réductible à "un corps" et aux attraits de celui-ci.
3) Un autre objectif de cette tenue est de préserver hommes et femmes d'adopter la même apparence globale.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).
Maquillage, bijoux etc. sont-ils autorisés pour la musulmane ?
Question :
La musulmane peut-elle s'embellir par du maquillage et/ou de beaux vêtements et /ou des bijoux lorsqu'elle sort de chez elle, ou bien cela est-il réservé au moment où elle se trouve en intimité chez elle ?
Réponse :
1. La musulmane peut-elle avoir une tenue soignée et sortir ainsi vêtue de chez elle ?
Il est arrivé qu'une musulmane vienne rendre visite à une épouse du Prophète vêtue d'un foulard de couleur verte (rapporté par al-Bukhârî, n° 5487). Le Prophète a également voulu que le port de vêtements teintés par le carthame ('usfur) – qui donne une teinte tirant sur le jaune – soit réservé aux femmes (rapporté par Muslim). Le Prophète s'était même étonné du fait que l'apparence de l'épouse de 'Uthmân ibn Maz'ûn était excessivement négligée, et il s'en était ouvert à son épouse Aïcha (rapporté par Ahmad, n° 25104). Ceci veut dire qu'il l'avait vue dans cette apparence et qu'il avait trouvé celle-ci excessivement négligée. Il n'y a pas l'obligation de ne mettre que du noir, ou que du blanc...
Toutefois, il faut préciser qu'un principe extrait des sources musulmanes veut que, ce faisant, la musulmane n'outrepasse pas les limites de ce qui est courant dans la société où elle vit : pas d'excès en la matière, donc. Car le contraire attirera immanquablement les regards vers elle, ce qui est contraire à ce à quoi elle aspire en son âme et conscience. C'est ce que le savant Abû Chuqqa a écrit, se fondant sur des Hadîths et des propos de savants (Tahrîr ul-mar'a, tome 4 p. 251, p. 261, p. 277).
La tenue de la musulmane à l'extérieur de chez elle doit donc être d'un juste milieu : ni négligée, ni excessive au point d'attirer immanquablement tous les regards. Nous allons revenir sur ce point dans le paragraphe 4, plus bas.
2. La musulmane peut-elle porter des bijoux lorsqu'elle sort de chez elle ?
Comme chacun le sait, l'islam demande que la femme porte des vêtements sur toute autre partie du corps que son visage et ses mains (et ses pieds d'après certains savants). Aussi, étant donné que les bijoux qui sont portés ailleurs que sur les mains et le visage (comme les boucles d'oreilles, les colliers, etc.) doivent être couverts par des vêtements et ne doivent pas faire entendre de cliquetis, la question ci-dessus se pose uniquement en ce qui concerne les bijoux portés sur les mains (comme les bagues, et comme les bracelets qui arrivent sur les mains) et parfois sur le visage (petites boucles portées dans certains pays dans le nez). Et la réponse à cette question est : oui, la musulmane peut porter des bijoux sur ses mains et/ou son visage lorsqu'elle sort de chez elle. D'ailleurs il est arrivé que des musulmanes se rendent auprès du Prophète portant des bracelets en or, que le Prophète voie ces bracelets, qu'il leur demande si elle s'acquitte de l'impôt purificateur (zakât) à propos de leurs bijoux (Sahîh at-Targhib wat-tarhîb, n° 763-765).
Une autre question se pose ici qui est directement liée à la précédente : sans même parler du moment où elle sort de chez elle, en soi le port des bijoux en or est-il permis à la musulmane ?
La quasi-totalité des savants musulmans a toujours répondu que l'homme ne devait pas porter de bijoux en or, et que la femme, elle, pouvait en porter. Ils se basent sur le Hadîth bien connu où le Prophète a dit à propos de la soie et de l'or : "Ces deux choses sont interdites aux hommes de ma communauté, permises aux femmes" (rapporté par Abû Dâoûd, an-Nassaï, Ibn Mâja). Mais al-Albânî (mort en 1999) a écrit pour sa part que la femme pouvait ne porter comme bijoux en or que ceux qui n'ont pas une forme massive et ronde ("muhallaq"). Il s'est fondé sur six Hadîths (voir Adâb uz-zafâf, pp. 151-164). Il faut souligner que sans avoir le même avis que al-Albânî, le savant Shâh Waliyyullâh avait, dès le XVIIIème siècle, écrit quelque chose sur le sujet (voir Hujjat ullâh il-bâligha, tome 2 p. 515-516).
Cependant, le savant indien al-A'zamî, autre grand spécialiste des Hadîths, a démontré que les Hadîths sur lesquels s'est fondé Al-Albânî à ce sujet n'indiquent pas de façon formelle une interdiction du port de bijoux en or pour la femme. En effet, affirme-t-il, des Hadîths qu'al-Albânî a cités, les uns ne sont pas authentiques, et les autres n'indiquent pas clairement une interdiction, mais entre autres le fait que le Prophète a préféré pour certaines musulmanes – dont ses épouses – qu'elles ne portent pas de bijoux en or (voir Al-Albânî shudhudhuhû wa akhtâ'uh, pp. 38-54).
Selon cet avis, les musulmanes peuvent donc porter des bijoux en or en soi. Et s'il s'agit de bagues, de bracelets ou de boucles portées dans le nez, elles peuvent également les porter de façon visible à l'extérieur de chez elles.
3. La musulmane peut-elle s'embellir le visage par des substances colorées et sortir ainsi de chez elle ?
Dans le souci qu'il n'y ait pas de perte de repères entre hommes et femmes (ce dont Elisabeth Badinter fait la critique à propos de la société occidentale d'aujourd'hui), le Prophète a énoncé comme principe général que Dieu voulait que les hommes et les femmes ne s'imitent pas les uns les autres dans leurs attributs particuliers. A la lumière de ce principe, le Prophète a dit : "Le parfum qu'utiliseront les hommes est ce dont l'odeur est ressentie mais qui n'a pas de couleur. Et le parfum qu'utiliseront les femmes est ce dont la couleur est visible mais dont l'odeur est discrète" (rapporté par at-Tirmidhî, n° 2238, an-Nassaï, Abû Dâoûd). "Parfum discret" signifie "parfum qui n'est pas ressenti par ceux dont on passe à proximité", comme l'explicite un autre Hadîth bien connu rapporté par at-Tirmidhî (n° 2786). Saïd, un des maillons de la chaîne de transmission du premier Hadîth, précise : "Cette prescription du Prophète à propos du parfum qu'utilisera la femme concerne le moment où celle-ci sort de chez elle [et, par extension, le moment où elle se trouve en compagnie d'hommes qui ne sont pas son mari ou ses proches parents]. Mais lorsqu'elle se trouve auprès de son mari, la femme peut utiliser le parfum qu'elle veut" (rapporté par Abû Dâoûd). As-Suyûtî énumère, en vertu du principe donné par ce Hadîth, quelques-unes des substances que les hommes peuvent utiliser comme parfum : le musc, l'ambre, le bois d'aloès, le camphre. Et comme substances que les femmes utiliseront : le safran oriental, mélangé ou non. As-Sindî explique : "Le musc, que les hommes utilisent comme parfum, a aussi une couleur. En fait, lorsqu'il a dit : "le parfum des femmes est ce dont la couleur est visible", le Prophète a voulu dire : "le parfum des femmes est ce qui a une couleur recherchée en tant que parure" (Shar'h wa hâshiya Sunan in-Nassaï, tome 8 p. 151).
En un mot, pour sortir de chez elle, la musulmane peut se parer mais doit le faire sans porter un parfum dont l'odeur serait ressentie par ceux dont elle passe à proximité, ce type de parfum étant réservé aux hommes. Le musulman, pour sa part – et ce qu'il sorte de chez lui ou y reste – ne doit pas utiliser de substances colorées pour s'embellir l'épiderme, ceci étant réservé aux femmes (voir Hâshiya As-Sindî 'alâ Sunan an-Nassaï, tome 8 p. 189).
La musulmane a donc la possibilité d'utiliser du henné sur ses mains ou sur ses ongles, du khôl sur ses yeux, etc., même lorsqu'elle sort de chez elle. Ceci correspond tout à fait au commentaire du verset coranique "Et qu'elles ne montrent de leurs parures que ce qui paraît", commentaire qui dit que ce qui paraît est "le visage et les mains et qu'y sont inclus le khôl, la teinture (le henné), la bague et le bracelet", comme l'a dit at-Tabarî. De plus, le Prophète avait dit à une musulmane : "Etant une femme, tu devrais te teindre les ongles avec du henné" (rapporté par an-Nassaï, n° 4712). Dans le même ordre d'idées, Ibn Battâl a écrit que "les hommes ne doivent pas s'embellir le visage avec des substances colorées, ceci étant réservé aux femmes qui peuvent, elles, utiliser de telles substances pour se parfumer [légèrement] le visage et se l'embellir" (Fat'h ul-bârî, tome 10 p. 449). Ici aussi, cependant, la modération doit rester la règle, comme nous allons le voir ci-après.
4. Les limites fixées par la recherche de la modération dans l'embellissement (port de beaux vêtements, de substances colorées sur le visage, et de bijoux) :
Nous ne parlons pas de l'embellissement auquel la musulmane peut pratiquer devant son mari (puisque devant son mari elle peut s'embellir comme elle le veut).
Nous ne parlons pas non plus de l'embellissement que la musulmane peut pratiquer lorsqu'elle se trouve en la compagnie exclusive de ses proches parents avec qui elle ne peut jamais se marier (père, frères, fils, etc.) (puisque devant ces proches parents, elle peut paraître avec un embellissement certes moins large que dans le cas du mari, mais plus large que pour lorsqu'elle sort de chez elle).
Nous parlons exclusivement ici de l'embellissement de la musulmane lorsqu'elle sort de chez elle ou lorsqu'elle se trouve, chez elle, en compagnie de son mari mais aussi d'hommes qui ne sont pas ses proches parents. Le savant Abû Chuqqa écrit à ce sujet, se basant sur des éléments présents dans les sources musulmanes et sur des avis de savants musulmans : "Comme parure apparente [permise] se trouve la teinture sur les mains, le khôl dans les yeux, et quelque couleur sur les joues" (Tahrîr ul-mar'a, tome 4 p. 251). Plus haut dans cet article, nous avons déjà relevé cette permission. Abû Chuqqa souligne cependant que les sources musulmanes ont également offert trois grands principes pour cette permission :
1) la musulmane ne doit pas avoir au fond de son cœur l'intention d'attirer par ce biais le regard des passants sur elle, ni de rivaliser avec une autre femme, ni de se faire une renommée par la nature de ses habits,
2) elle ne peut utiliser qu'un parfum discret et doit se préserver de tout parfum qui est ressenti par ceux dont on passe à proximité,
3) elle doit s'embellir en restant dans le cadre de ce qui est modéré ("mu'tadil") (Ibid., tome 4 p. 263).
Abû Chuqqa rappelle également qu'à l'intérieur du cadre de ces principes, la musulmane doit tenir compte des coutumes de la société où elle vit, c'est-à-dire ne pas avoir recours à un embellissement qui ne soit pas pratiqué dans cette société, ce qui l'amènerait à être dévisagée inutilement (Ibid., tome 4 pp. 261 et 277).
La musulmane peut-elle avoir recours aux substances de maquillage actuelles ?
Al-Qardhâwî estime que "les fards et les poudres que les femmes utilisent actuellement pour s'embellir les joues, les lèvres, les ongles etc., relèvent en soi de l'excès répréhensible", et que "la musulmane ne doit donc les utiliser que chez elle, et doit s'en abstenir systématiquement lorsqu'elle sort et se trouve en présence d'hommes" qui ne sont ni son mari ni ses proches parents (Al-halâl wal-harâm, pp. 140-141).
Synthèse de la réponse :
La recherche d'un embellissement modéré dans son apparence pour la vie de tous les jours fait partie de la nature humaine, et la femme en a reçu une part plus importante que l'homme. L'islam entend préserver les éléments de la nature des hommes et des femmes, en orientant celle-ci vers le bien. Il a donc permis une certaine mesure d'embellissement.
Parallèlement, il a placé des limites, fondées sur le constat du fait qu'entre hommes et femmes une attirance naturelle existe qui doit être maîtrisée sous peine de tomber dans ce qui ne devrait pas être, avec toutes les répercussions que cela entraîne alors au niveau de la spiritualité, de l'éthique de la vie et de la sérénité des familles. Or l'homme est, beaucoup plus que la femme, sensible à la beauté de l'apparence de l'autre sexe. De plus, ce sont les femmes qui risquent d'être agressées sexuellement par certains hommes, et non pas – ou très rarement – les hommes qui risquent d'être agressés sexuellement par des femmes. C'est bien pourquoi, tandis que les hommes sont heureux de voir se tourner vers eux les regards féminins, les femmes sont parfois mises mal à l'aise par certains regards masculins trop appuyés. C'est pourquoi l'islam dit que si la musulmane peut s'embellir même à l'extérieur de chez elle, elle doit le faire de façon modérée, sans aller jusqu'à l'excès (at-tabarruj).
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).
Quelle tenue vestimentaire pour la musulmane ?
Question :
Quels vêtements l'islam demande-t-il à la musulmane de porter ? Qu'est-ce que le voile de la musulmane ?
Réponse :
Vous y lirez ce qui est 'awra (partie du corps à voiler des regards) et ce qui ne l'est pas, ainsi que les différentes 'awra par rapport aux différentes personnes. Vous y verrez que l'islam demande à chaque musulman et à chaque musulmane de maîtriser son regard par rapport à ce qui est 'awra (sauf dans le cas des époux, et sauf nécessité absolue dans les autres cas) et de maîtriser son regard s'il est chargé d'instinct par rapport à ce qui n'est pas 'awra (sauf dans le cas des époux).
Or, si l'islam demande (fardh) à une personne A de maîtriser son regard par rapport à ce qui est 'awra chez une personne B, il demande (fardh) également à cette personne B de "voiler" cette 'awra des regards de la personne A, par le moyen de vêtements appropriés.
Pour répondre maintenant à votre question au sujet de ce qu'est le voile, nous dirons ce qui suit.
On appelle "voile" ou plutôt, en français, "foulard" la partie du vêtement par lequel la musulmane couvre sa chevelure et qu'elle ramène sur son cou. Mais dissimuler son corps des regards, ce n'est pas que porter le voile sur sa chevelure et sa poitrine. C'est, d'une façon plus générale, mettre des vêtements qui remplissent un certain nombre de conditions. Et il se trouve que la majorité de ces conditions concernent la femme comme l'homme . En effet, d'après les principes de l'islam, il est demandé à tous deux de porter en public des vêtements qui :
1) recouvrent au moins la 'awra
2) ne soient pas quasi-transparents au point de ne pas cacher la 'awra des regards,
3) soient suffisamment amples pour ne pas mouler ni révéler les attraits corporels de la 'awra,
4) soient différents dans leur aspect général de ceux que l'usage réserve à l'autre sexe,
5) ne soient pas portés avec un objectif de fierté.
Et puis il y a une condition qui est pour sa part spécifique aux vêtements de la femme, lesquels doivent :
6) ne pas exhaler en public un parfum fort, c'est-à-dire qui soit ressenti à distance (un parfum discret qui n'est pas ressenti par les autres est par contre autorisé).
Du moment qu'ils restent dans le cadre de ces principes, les vêtements que porte la musulmane peuvent être embellis de façon modérée (le critère de modération est l'usage habituel du pays). De plus, la musulmane peut s'embellir le visage et les mains de façon modérée (par exemple le henné ou équivalent sur les mains, le khol sur les yeux). (Cf. Tahrîr ul-mar'a fî 'asr ir-rissâla, Abû Chuqqa, tome 4 pp. 251-263.)
Dans les sources musulmanes :
La nécessité de se couvrir le corps sauf le visage et les mains (et les pieds d'après certains savants) figure dans ce verset du Coran où Dieu dit : "Et dis aux croyants de baisser leur regard et de garder leur chasteté. (...) Et dis aux croyantes de baisser leur regard, de garder leur chasteté, de ne montrer de leurs parures que ce qui en paraît, et de rabattre leur foulard sur leur poitrine. (...)" (24/30-31). Selon Ibn Abbâs, Mujâhid, al-Hassan, adh-Dhahhâk, et d'autres, les termes "ce qui en paraît" désignent le visage et les mains, qu'il n'est pas obligatoire de couvrir. Selon Aïcha ces termes désignent le visage, les mains et les pieds.
Pour ce qui est des autres conditions, nous préférons, par souci de concision, ne pas citer ici les références des sources musulmanes. Ces références sont visibles dans les ouvrages Hijâb al-ma'at al-muslima et Tahrîr ul-mar'a fî 'asr ir-rissâla (tome 4).
L'objectif de ces principes concernant la tenue de la musulmane :
Par le port de vêtements qui recouvrent au moins leur 'awra, la femme comme l'homme dissimulent leurs attraits corporels des regards qui peuvent être chargés par l'instinct. Car si celui-ci est naturel chez l'être humain, il n'en doit pas moins être orienté et non pas flatté.
La question qui se pose est alors la suivante : pourquoi la 'awra de l'homme comprend la partie de son corps qui va du nombril aux genoux, alors que celle de la femme concerne tout son corps sauf son visage, ses mains et ses pieds ?
Ce qu'il faut d'emblée souligner et rappeler, c'est que cette différence n'est pas due à une volonté de montrer que la femme est assujettie à l'homme, contrairement à ce que certains Occidentaux pensent et disent. C'est en fait Paul de Tarse (le Saint-Paul de la Bible) qui disait ceci, pas l'islam. Ce qu'il faut également souligner, c'est que le port du foulard n'a pas non plus comme fonction de souligner l'identité religieuse de celle qui la porte, comme le crucifix et la kippa ont eux comme fonction de témoigner de l'appartenance religieuse de celle ou celui qui les porte.
On ne peut pas inviter les musulmanes à porter le foulard musulman sans leur en expliquer aussi la signification. Jugez plutôt : ayant un jour questionné des élèves de la médersa au sujet du sens du foulard qu'elles portaient, je me suis entendu répondre par une élève qui disait l'avoir appris de sa famille : "Les musulmanes doivent le porter pour que leurs cheveux ne tombent pas dans le repas" (sic). Une autre élève m'a répondu que, selon ce qu'elle avait appris au sein de sa famille, "c'est après le coucher du soleil qu'il fallait porter le foulard, pour éviter d'être possédée par les djinns".
Ceci expliquant cela, il est triste de constater que certaines musulmanes portent — de leur propre gré — le foulard ou le voile, mais lui donnent parfois une forme qui révèle les attraits corporels au lieu de les voiler des regards chargés d'instinct. Il ne s'agit pourtant pas d'appliquer une règle dans sa lettre sans en respecter également l'objectif…
Synthèse de la réponse :
Pour une musulmane, devant tout homme qui n'est ni son mari, ni un proche parent avec qui elle ne peut jamais se marier, il est nécessaire de couvrir son corps sauf son visage et ses mains. Ses vêtements doivent, de façon plus générale, avoir les caractéristiques énoncées plus haut.
Ce caractère nécessaire ne doit cependant pas faire oublier les principes islamiques d'éducation dans la foi et de progressivité dans le rappel, qui font que les musulmanes ne devraient jamais se dépêcher de rappeler à une sœur cette obligation en priorité, cette sœur fût-elle éloignée de la foi et de la pratique de sa religion. Elles devraient au contraire privilégier la compréhension des priorités, l'éducation dans la foi et le rappel progressif.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).
Quelles limites à l'action du regard ? Pourquoi ?
Question :
Quelles limites l'islam présente-t-il quant au regard des uns et des autres ? Et pourquoi ?
Réponse :
L'attirance pour les attraits corporels est naturelle chez l'être humain, et l'islam ne demande pas à ce dernier de chercher à éradiquer cette attirance. Au contraire, c'est bien parce qu'il reconnaît qu'attirance il y a entre homme et femme qu'il désire orienter celle-ci. En agissant ainsi, l'objectif de l'islam n'est pas de rendre la vie impossible mais au contraire de permettre qu'elle soit mieux vécue, en préservant l'homme de flatter sans cesse son instinct.
Car si l'attirance vers l'autre sexe et l'instinct qui en est à la base sont naturels, et si cet instinct doit s'exprimer et non être refoulé, il y a une grande différence entre le fait de l'orienter et celui de le flatter sans cesse. Ainsi, les corps n'étant pas marqués négativement, il est normal qu'entre époux et épouse on s'admire et on s'attire. Mais que des corps affichent partout en public leurs attraits aux regards, et que des regards ne se privent pas de tirer profit de ces attraits, voilà des faits qui ne peuvent manquer avoir des répercussions sur l'individu, la famille et la société. Il ne s'agit pas d'avoir honte de son corps. Il s'agit d'avoir de la pudeur pour, justement, dissimuler en public les attraits de ce corps et réserver ceux-ci à son conjoint(e), l'être avec qui on partage sa vie.
C'est dans ce sens que l'islam offre à chaque humain une orientation et des limites dans l'utilisation qu'il fait de son regard. En sus de l'observance de ces règles extérieures, l'islam lui demande également de travailler son cœur.
Deux règles générales pour comprendre les limites à l'action des regards :
L'islam présente, en tant que cadre orientant et limitant l'action des regards, les deux règles suivantes :
1. Ce que l'islam considère comme étant à cacher systématiquement des regards ('awra) :
Les sources musulmanes demandent, par mesure de précaution, de ne pas regarder chez autrui certaines parties corporelles, et ce en toutes circonstances, qu'on éprouve de l'attirance et du désir (shahwa) ou pas. L'ensemble des parties corporelles qu'une personne A ne doit ainsi pas regarder chez une personne B est nommé "'awra de B par rapport à A".
Et si l'islam demande à A de ne pas regarder ce qui, par rapport à lui, est 'awra chez B, il demande également à B de revêtir sa 'awra en présence de A. Un seul cas fait exception, celui de la nécessité (dharûra), comme un accident de la route ou une opération chirurgicale, etc. Il faut également préciser que le fait pour B de revêtir en présence de A ce que A ne doit pas regarder concerne ceux et celles qui ont accepté l'éthique musulmane parce qu'ils ont accepté la foi musulmane : aussi, même en pays musulmans, si l'islam dit que les musulmans ne doivent pas porter de regard déplacé sur les attraits des non musulmanes, il ne dit pas que ces dernières auraient l'obligation religieuse de couvrir leur chevelure en public (elles devront cependant respecter le cadre publique en vigueur dans ces pays et porter donc des vêtements plus amples que ceux qui sont parfois portés dans les pays occidentaux).
Ce que l'islam ne considère pas comme étant à cacher systématiquement des regards :
Regarder ce qui n'est pas 'awra par rapport à soi est permis si on ne ressent ni attirance ni désir, mais est interdit si on ressent au fond de soi du désir ou une attirance (shahwa, sawâ'un kânat ish-shahwatu shahwat al-wat' aw shahwat at-taladhdhudh : MF 15/413). Un cas fait bien sûr exception, celui des époux, où désir ou pas, le regard est bien entendu autorisé.
Les ulémas auteurs de ces deux règles :
Cet avis faisant la différence entre ce qui est 'awra et ce qui ne l'est pas, et disant qu'on doit systématiquement ne pas regarder ce qui est 'awra – que le regard soit neutre ou habité par l'instinct –, cependant que, pour ce qui n'est pas 'awra, on doit ne pas le regarder si le regard est habité par l'instinct, mais on peut le regarder tant que le regard est neutre… cet avis est celui de at-Tabarî, al-Baghawî, al-qadhî 'Iyâdh, Ibn Battâl, Ibn 'Abd il-barr… (cf. Tahrîr ul-mar'a, tome 4).
L'application de ces deux règles :
Pour comprendre l'application de ces deux règles, il faut bien sûr connaître ce qui est 'awra et ce qui ne l'est pas. Or, déterminer cela n'est pas absolu vis à vis du corps humain en général, mais dépend de plusieurs facteurs. Qu'est-ce qui ne doit pas être regardé par qui chez qui ? Explications et détails dans les deux listes ci-dessous.
A) La 'awra de l'homme par rapport à :
a) son épouse :
pas de 'awra (al-Mughnî 9/308).
b) un autre homme :
- d'après la majorité des ulémas : la partie comprise entre le nombril et les genoux (sauf cas de nécessité tel qu'une auscultation médicale, etc.) ;
(al-Mughnî 9/316-317, 2/154).
c) une femme autre que son épouse :
- d'après l'avis le plus connu : la partie comprise entre le nombril et les genoux (al-Mughnî 9/318, al-Hidâya 2/445).
B) La 'awra de la femme par rapport à :
a) son époux :
pas de 'awra (al-Mughnî 9/308).
b) une autre femme :
- d'après un avis attribué à un mujtahid : la règle ici est la même que celle relative au regard de l'homme vers sa proche parente : la 'awra de la femme est, par rapport à une autre femme : la partie comprise entre les genoux et le nombril, ainsi que le ventre et le dos (al-Hidâya 2/445) ;
- d'après la majorité des ulémas : la règle ici est la même que celle relative au regard de l'homme vers l'homme : la 'awra de la femme par rapport aux autres femmes est : la partie comprise entre le nombril et les genoux (al-Mughnî 9/318, al-Hidâya 2/445).
D'après Ahmad ibn Hanbal, il n'y a, quant à la 'awra de la femme musulmane, pas de différence entre la musulmane et la non-musulmane : ce qui n'est pas 'awra par rapport à la première ne l'est pas par rapport à la seconde non plus (al-Mughnî 9/318).
c) un de ses proches parents (mahârim) (1) :
- d'après certains ulémas : la partie comprise entre le nombril et les genoux (al-Mughnî 9/302-303) ;
- d'après d'autres ulémas : la partie comprise entre les genoux et le nombril, ainsi que le ventre, le dos et la poitrine (al-Mughnî 9/302-303) ; il est donc autorisé à l'homme de regarder chez sa proche parente : le visage, les mains, mais aussi les cheveux, le cou, les épaules, les mollets. Dans l'école hanafite, la 'awra de la femme par rapport à son proche parent est : la partie comprise entre les genoux et le nombril, ainsi que le ventre et le dos, mais non la poitrine (al-Hidâya 2/445) ; cependant, regarder cette partie de son corps est bien sûr contraire à la bienséance (comme l'avait rappelé notre professeur Cheikh Ya'qûb).
d) tout homme autre que son époux et ses proches parents :
- tout le corps sauf le visage et les mains (al-Hidâya 2/442).
(1) Les proches parentes de l'homme sont celles avec qui il ne peut jamais se marier : sa mère, sa grand-mère, la sœur de sa mère ou de son père, sa fille, sa petite-fille, sa sœur, la fille de son frère ou de sa sœur. Et Les proches parents de la femme sont ceux avec qui elle ne peut jamais se marier : son père, son grand-père, le frère de sa mère ou de son père, son fils, son petit-fils, son frère, le fils de son frère ou de sa sœur.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).
se voiler est obligatoire?
L'islam a-t-il rendu obligatoire pour la musulmane de se voiler le visage ?
Question :
Parlez-nous du voile du visage et du port des gants pour la musulmane. Est-ce une obligation, comme le disent certains musulmans ?
Réponse :
La question que vous posez repose sur le fait de délimiter ce que désignent les termes "ce qui en paraît" dans le verset coranique "Qu'elles ne montrent de leurs parures que ce qui en paraît" (24/30). Comprendre un verset du Coran se fait par référence d'abord à d'autres versets du Coran, puis aux Hadîths du Prophète. Cependant, les autres versets coraniques n'explicitent pas ces termes "ce qui en paraît". Et il y a certes un Hadîth qui se rapportent au même sujet – celui rapporté par Asmâ' bint Abî Bakr –, mais il n'est pas authentique. Les savants ont donc eu recours à deux autres méthodes pour comprendre ce que Dieu entendait par les mots "ce qui en paraît" :
Méthode 1 : ils se sont référés aux explications de ces termes fournies par les savants des premiers siècles de l'islam (les Compagnons, leurs élèves et ainsi de suite),
Méthode 2 : ils se sont référés à la façon par laquelle les musulmanes du temps du Prophète ont mis en pratique ce verset.
La méthode 1 offre les commentaires suivants :
- il y a le commentaire de Ibn Mas'ûd, qui dit que "ce qui en paraît" désigne seulement l'aspect extérieur des vêtements que la femme porte,
- il y a le commentaire Ibn Abbâs, de Mujâhid, de al-Hassan, de adh-Dhahhâk, et d'autres, selon qui ces termes désignent le visage et les mains,
- il y a le commentaire de Aïcha, qui est d'avis que ces termes désignent le visage, les mains et les pieds.
La méthode 2, elle, montre plusieurs choses :
- en ce qui concerne les mains, des musulmanes laissaient leurs mains découvertes devant le Prophète. En effet, le Prophète avait dit à une musulmane : "Etant une femme, tu devrais te teindre les ongles avec du henné" (rapporté par An-Nassaï, n° 4712). Ceci signifie bien que les mains de cette femme étaient découvertes devant le Prophète, et que les mains ne font pas partie de ce que la femme doit recouvrir en présence d'hommes autres que son mari et ses proches parents (mahârim). Je suis donc de l'avis de ceux des savants qui, se basant sur ce texte et d'autres, pensent que le port des gants n'est pas obligatoire pour la musulmane.
- en ce qui concerne le visage, nous allons voir ci-après ce que les musulmanes faisaient dans l'entourage du Prophète…
Le voile du visage à l'époque du Prophète (sur lui la paix) :
Le voile du visage de la femme est mentionné dans les sources musulmanes (il n'est donc pas bid'a). En effet, les recueils de Hadîths mentionnent le port de ce voile du visage (appelé parfois niqâb) par des musulmanes à l'époque du Prophète. Ainsi, Aïcha, épouse du Prophète, raconte lors du récit de la calomnie : "Alors que j'étais ainsi assise, je fus gagnée par le sommeil et m'endormis. Pendant ce temps, Safwân ibn Al-Mu'attal, qui restait en retrait par rapport à l'armée, s'était mis en route dans la dernière partie de la nuit. Il arriva près de l'endroit où je me trouvais au petit matin. Il vit une forme humaine allongée et s'approcha. Il me reconnut car il avait vu mon visage avant l'obligation du voile sur celui-ci. Il prononça alors la formule de l'istirjâ' [formule que l'on dit en cas de malheur]. Je fus réveillée au son de cette formule. Je cachai alors immédiatement mon visage par le moyen de mon voile" (rapporté par al-Bukhârî). Anas relate également comment le Prophète fit porter à sa femme Safiyya, récemment épousée, le voile sur le visage (rapporté par al-Bukhârî et Muslim). Asmâ bint Abî Bakr raconte pour sa part : "Nous dissimulions nos visages par rapport aux hommes [autres que mari et parents proches] en état de sacralisation pour le pèlerinage (ihrâm)" (rapporté par al-Hâkim, sahîh 'alâ sharti Muslim d'après al-Albânî). Aïcha raconte également à ce sujet : "Il arrivait que de gens passent près de nous alors que nous étions en état de sacralisation en compagnie du Prophète. Lorsqu'ils arrivaient à hauteur de l'endroit où nous nous trouvions, nous suspendions (sadl) notre voile par devant notre visage. Et lorsqu'ils s'éloignaient, nous le relevions" (rapporté par Abû Dâoûd, hassan bish-shawâhid d'après al-Albânî).
Le voile de tout le corps mais pas du visage à l'époque du Prophète :
D'autres textes existent cependant qui montrent qu'à l'époque même du Prophète et devant lui, des musulmanes se couvraient la chevelure et le corps, mais pas le visage.
Ainsi, un jour de 'Eîd, le Prophète était allé refaire un discours pour les femmes qui n'avaient pas pu entendre celui prononcé immédiatement après la prière (salât ul 'eîd). A un moment donné, raconte Jâbir, "une femme se leva du milieu des autres femmes ; ses joues étaient rembrunies ("saf'â' ul khaddayn"). Elle questionna le Prophète..." (rapporté par Muslim). Si le transmetteur a vu que les joues de cette femme étaient rembrunies, cela veut dire qu'elle ne portait pas de voile sur son visage.
De même, pendant le pèlerinage en l'an 10 de l'hégire, lors de la journée du sacrifice à Minâ, le Prophète s'était installé sur sa monture pour répondre aux questions que les gens venaient lui poser. Il avait pris en croupe derrière lui son cousin, le jeune Al-Fadhl ibn Abbâs. Une femme khath'amite vint poser au Prophète une question à propos de son père âgé. "La beauté de cette femme plut alors à al-Fadhl" raconte le transmetteur. "Et le Prophète détourna le visage de al-Fadhl de l'autre côté" (rapporté par al-Bukhârî).
Cette dernière anecdote, qui s'est passée peu avant la mort du Prophète, prouve deux choses :
Ceci a amené des savants musulmans comme at-Tahâwî, al-Qâdhî 'Iyâdh, Ibn Battâl à expliquer que le port du voile du visage était obligatoire pour les épouses du Prophète, mais ne l'est pas pour les autres musulmanes. Pour ces dernières, devant tout homme qui n'est ni leur mari, ni leur proche parent (avec qui elles ne peuvent jamais se marier), il n'est pas obligatoire de se couvrir le visage et les mains.
Cet avis disant qu'on doit systématiquement ne pas regarder ce qui est 'awra – que le regard soit neutre ou habité par l'instinct –, cependant que pour ce qui n'est pas 'awra, on doit ne pas le regarder si le regard est habité par l'instinct, mais on peut le regarder tant que le regard est neutre… cet avis est celui des savants al-Qâdhî 'Iyâdh, Ibn Battâl, at-Tabarî, al-Baghawî, Ibn 'Abd il-barr… (cf. Tahrîr ul-mar'a, tome 4).
Deux raisonnements de certains musulmans :
1) Certains musulmans disent de l'avis permettant à la musulmane de ne pas se couvrir le visage qu'il constitue un avis nouveau, inconnu des savants des siècles précédents de l'islam.
Ceci est cependant erroné car, parmi les savants du passé, sont d'avis que la musulmane peut ne pas couvrir son visage : des commentateurs du Coran tels que at-Tabarî, al-Baghawî, al-Qurtubî, al-Jassâs, Ibn ul-Arabî, Abû Hayyân al-Andalûsî… des commentateurs de Hadîths tels que Ibn Battâl, al-Qâdhî 'Iyâdh… des juristes tels que Abû Hanîfa, Mâlik, ash-Shâfi'î, Ahmad (d'après un des avis qui sont rapportés de lui), al-Awzâ'î, Abû Thawr, ath-Thawrî, al-Muzanî (cf. Tahrîr ul-mar'a, tome 4). Il n'est pas question ici de vouloir dire que la quantité est un poids dans l'argumentation, il est question de montrer qu'il est erroné de dire qu'il s'agit d'un avis inconnu des savants des premiers siècles de l'islam. Je voudrais préciser ici que mon professeur Cheikh Sher Alî était aussi de l'avis que le voile du visage n'est pas obligatoire.
2) Certains musulmans disent que tout ce qui vient d'être dit est vrai, tant au niveau des sources musulmanes que des avis de savants des siècles précédents : le port du voile du visage pour les musulmanes autres que les épouses du Prophète n'était pas obligatoire. Cependant, poursuivent-ils, aujourd'hui la situation actuelle de décadence spirituelle demande à ce que les muftis, par avis juridique (fatwa) se basant sur les principes mêmes des sources musulmanes, déclarent obligatoire par mesure de précaution (sadd ul-bâb) le voile du visage.
Ce constat de décadence spirituelle et morale est tout à fait vrai. Et le raisonnement qui s'appuie dessus est tout à fait respectable, le principe de la fatwa par principe de précaution quand il y a un fondement (sadd ul-bâb) étant possible en jurisprudence musulmane. Néanmoins, nous lui préférons le raisonnement suivant, écrit par al-Albânî : "Même si je suis moi aussi très chagriné par ce que je vois de manque de pudeur généralisé, je ne pense pas que la solution soit de rendre obligatoire aux musulmanes le fait de cacher leur visage. Car chez la grande masse des musulmanes, ici en Syrie, ou en Egypte, ou ailleurs, le délaissement de l'attachement à l'éthique musulmane est flagrant. Dans pareil cas, rendre obligatoire à cette masse des musulmanes le port du voile sur le visage alors qu'elle ne sont même pas prêtes à se couvrir la chevelure, le cous et les épaules en public (ce que les sources musulmanes ont pourtant rendu obligatoire et qui ne fait pas l'objet d'opinions divergentes), est quelque chose que ne devraient pas faire celui et celle qui ont compris un tant soit peu les sources musulmanes. En effet, tant le principe islamique de la recherche de la facilité dans le cadre du permis ("yassirû wa lâ tu'assirû") que l'exemple prophétique de la nécessité d'une éducation profonde et durable nous montrent qu'il nous faut agir dans le cadre du permis, mais avec douceur et non avec dureté.
Tous ceux qui sont préoccupés de la situation des musulmanes devraient faire deux choses :
1. se préoccuper sérieusement de donner à ces musulmanes une éducation qui puisse être digne de porter le qualificatif "islamique" : former leur esprit, leur cœur, empêcher autant que possible les influences néfastes présentes partout aujourd'hui de faire leur effet sur elles ;
2. leur rappeler les enseignements des sources musulmanes" (d'après Hijâb ul mar'a al muslima, pp. 7-9 ; j'ai synthétisé le propos).
Synthèse de la réponse :
Les sources musulmanes n'ont pas rendu le fait de se voiler le visage obligatoire en soi pour la musulmane (exception faite des épouses du Prophète, sur qui cela était effectivement obligatoire).
En revanche, elles ont rendu obligatoire pour la musulmane (sauf cas d'exception majeure, comme par exemple une opération chirurgicale) de couvrir son corps sauf son visage et ses mains devant tout homme qui n'est ni son mari, ni un proche parent avec qui elle ne peut jamais se marier.
Ce caractère obligatoire ne doit cependant pas faire oublier les principes islamiques d'éducation dans la foi et de progressivité dans le rappel, qui font qu'il ne faudrait pas se dépêcher de rappeler cette obligation dès le premier rappel adressé à une sœur, fût-elle éloignée de la foi et de la pratique de sa religion. Il faudrait privilégier au contraire la compréhension des priorités, l'éducation dans la foi, et le rappel progressif.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).
Pourquoi se voiler ?
La femme se couvre la tête parce qu’Allah lui en a donné l’ordre et qu’il ne lui est pas permis de Lui désobéir.
En outre, Allah ne lui a donné cet ordre que sur la base d’une grande sagesse. L’un des aspects de celle-ci consiste dans la protection de son honneur contre les loups à visage humain à la recherche d’une proie facile à dévorer.
La bouchée n’est digestible que si elle a été bien préparée. Voilà ce qu’est la femme trop disponible qui invite implicitement ces loups pour qu’ils viennent l’amputer des parties de leur choix.
Cela s’atteste dans les propos du Très Haut : « Cela est plus à même de les faire reconnaître de sorte qu’elles ne s’exposent pas à la nuisance ». Quand une femme est voilée, les voyous et les pervers désespèrent d’elle. Ainsi Allah les préserve et les protège.
La femme qui s’exhibe a fait l’objet d’une menace grave proférée par Allah le Très Haut et Son Prophète (bénédiction et salut soient sur lui ). Cette menace est exprimée comme suit :
- D’après Abou Hourayra, le Messager d’Allah (bénédiction et salut soient sur lui ) a dit : « Je n’ai pas encore vu deux groupes des gens de l’enfer : des gens porteurs de matraques semblables à des queues de boeufs avec lesquelles ils frappent les gens et des femmes vêtues mais nues qui marchent en vacillant et dont les têtes ressemblent aux boss maila de bokht ; elles ne sentiront pas l’odeur du paradis. Pourtant cette odeur est sentie à partir d’une distance parcourue en tant et tant de marche » (rapporté par Mouslim, 2128).
Il ne convient pas à la femme de se référer (dans ce domaine) à sa raison - qui peut ne pas saisir les raisons profondes de la législation qu’expriment les ordres d’Allah le Très Haut. Qu’elle sache qu’Allah n’ordonne que ce qui lui apporte le bien et le bonheur à elle-même ainsi qu’à l’ensemble de la société.
Il est bien connu que la découverte des cheveux aggrave la tentation dont elle est l’objet de la part des hommes et suscite leur désir à son égard (et pousse) vers les turpitudes.
L’Islam veut une société propre dans laquelle les plaisirs charnels ne débordent pas et il n’y a pas d’agressions. Or le fait que la femme exhibe ses atouts de beauté dont sa chevelure - peut en faire une source de tentation et peut ouvrir la voie du mal à ceux qui veulent s’y engager.
Nous rappelons encore que l’Islam c’est se soumettre à Allah le Très Haut. C’est l’exécution par le croyant de l’ordre d’Allah le Très Haut même si l’on n’en saisit pas le fondement et même si la raison n’en est pas convaincue. En effet, l’obéissance à son Maître et la soumission à Son ordre doivent passer avant toute autre chose. L’adoration est fondée sur l’obéissance et la soumission.
Nous demandons à Allah le Très Haut de nous indiquer la vérité, de nous en convaincre et de nous aider à nous y conformer , de nous indiquer clairement le faux et de nous aider à l’éviter. Allah le sait mieux.
*Sheikh Muhammed Salih Al-Munajjid